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Esthétique du geste technique, par Sophie de Beaune

Publié le 3 février 2014 Mis à jour le 28 avril 2014

Sophie Archambault de Beaune coordonne un numéro de la Revue Gradhiva, L'esthétique du geste technique.

Les chants dont les prisonniers texans rythment leurs gestes de travail ont-ils quelque chose à voir avec le geste fluide du luthier taillant un violon, celui de la scarificatrice bwaba ciselant les chairs ou celui de l’Homo erectus taillant un biface ?

Resserrant la vieille question des rapports entre le beau, l’utile et le nécessaire, ce dossier choisit de privilégier celle de l’esthétique du geste technique. En quoi un tel geste peut-il être jugé beau,  et cette beauté tient-elle à des caractéristiques tangibles – régularité, rythmicité, économie… – ou à des traits plus impalpables ? La question est envisagée ici à partir de la distinction opérée par Hannah Arendt entre travail et œuvre.

Le travail – l’ensemble des tâches répétitives nécessitées par la survie quotidienne – est parfois sublimé par des chants ou des chorégraphies qui embellissent le labeur et allègent sa pénibilité. Tandis que l’élaboration d’une œuvre – c’est-à-dire la création d’un objet qui viendra s’ajouter durablement au monde – peut être esthétisée par un geste technique hautement maîtrisé. De Boas à Leroi-Gourhan, des auteurs ont lié la valeur esthétique d’un objet à la perfection de sa réalisation technique mais les contributeurs de ce dossier, qui s’étend de la Préhistoire au XXIe siècle, et de l’Europe à l’Afrique, montrent que le geste technique est une composante à part entière du jeu social dans lequel il s’insère et que sa beauté ne se réduit pas à la maîtrise de règles formelles.