Le romancier suisse Louis Dumur (1863-1933) pourfend dans son œuvre romanesque, lors de la Première Guerre mondiale, les « profiteurs de guerre », ceux qui ont intérêt à déclencher, à voir se déclencher ou se prolonger les combats, quels qu’en soient l’horreur et le coût humain. La description du banquier Tallatin s’étend ainsi, dans La Croix rouge et la croix blanche, sur deux pages d’une particulière férocité et provoque, à Genève, un véritable scandale. Comment, écrit-on, Dumur peut-il se considérer légitime – parce que neutre – lorsqu’il appelle à repousser par les armes l’invasion germanique ? Comment peut-il s’opposer à ceux qui, derrière Romain Rolland, se situent « au-dessus de la mêlée » et préconisent la paix à tout prix ? À quoi bon user son talent – que nul ne conteste – à ressasser les éléments les plus saillants d’un conflit que chacun souhaiterait pouvoir dépasser ? Et surtout, où mène ce réquisitoire contre Tallatin et tous ses semblables ?

En prenant pour base de travail la Première Guerre mondiale et l’œuvre de Louis Dumur – mais non exclusivement – sera examinée cette question des « bienfaits » – pour quelques-uns – de la guerre et de la manière dont il s’agit d’en rendre compte. Faut-il, comme Dumur, dénoncer les profiteurs de guerre par le biais d’une expression artistique violemment engagée ? Doit-on, en bon historien, tenter de prendre la distance nécessaire à une juste évaluation des intérêts en jeu ? Jusqu’où, d’ailleurs, faut-il étendre cette enquête ? Peut-on, derrière telle ou telle figure emblématique, incriminer des nations entières ?

On conçoit aisément le triple intérêt d’une telle investigation. Elle se situe d’abord dans le prolongement de la « revie » de l’œuvre de Louis Dumur, sur lequel une thèse est précisément en cours de rédaction à l’Université Jean Moulin. Elle interroge ensuite, sur un sujet assez peu traité, l’articulation toujours sensible entre histoire et littérature, et appelle à de nouveaux développements sur des œuvres connexes (on peut notamment penser à Guerre de Céline, récemment paru). Elle invite enfin à une réflexion de portée plus générale sur la description de la guerre et de ses enjeux et sur la mise en perspective du premier conflit mondial. De quoi enrichir, on le conçoit, la relecture de notre propre actualité.

 

PROGRAMME

 

Jeudi 27 octobre

A P R E S - M I D I

14h | Accueil des participants et ouverture du colloque 14h10 Entretien avec Gabriel GALICE, président du GIPRI (Geneva International Peace Research Institute) 15h-15h25 Loredana TROVATO (Université de Trieste) | À qui sert la guerre ? Une réflexion sur les « profiteurs de guerre » dans les journaux de tranchées 15h25-15h50 Jean-Louis MEUNIER (Université de Nîmes) | Louis Dumur et la Belgique 15h50 | Pause 16h15-16h40 Françoise DUBOSSON (HEG Genève) | La Croix rouge et la Croix blanche, ou la guerre chez les neutres : un conflit d’intérêts ? 16h40-17h05 Jacques SCHROLL (Doctorant, Université Lyon 3) | À la recherche des profiteurs de guerre : Paul Seippel vu par Philippe Godet 17h05 | Conclusion de la première journée

Vendredi 28 octobre

M A T I N

9h - Introduction de la deuxième journée 9h10-10h Entretien avec Alain GROSRICHARD, professeur émérite à l’Université de Genève | Les profiteurs de guerre : le point de vue de la psychanalyse 10h-10h25 Philippe MARTIN-HORIE (École Française, Tokyo, en visioconférence) | J’accuse ! Les profiteurs de la guerre 1914-1918 10h25 - Pause 10h45-11h05 Vincent GOGIBU (Université Versailles – Saint-Quentin) | Remy de Gourmont : la guerre vue de l’arrière 11h05-11h30 François JACOB (Université Lyon 3) | L’ami américain 11h30-12h Thierry OZWALD (Université de Limoges) | La guerre pour qui et pourquoi ? L’été 14 de Roger Martin du Gard

A P R E S - M I D I

14h-14h25 Vianney FERRAND (Mastérant, Université Lyon 3) | Le sacrifice par procuration : Drieu la Rochelle et les profiteurs moraux 14h25-14h50 Odin GEORGET (Doctorant, Université Lyon 3) | Les guerres d’Henri Vincenot : le cas de Walther, ce Boche, mon ami » 14h50 - Conclusion du colloque